Disney,  Écrits

Sous les apparences, un poids lourd à porter sur ses épaules – Encanto (Disney)

Sous les apparences...

Retour sur les paroles « Sous les apparences » d’Encanto, film d’animation Disney.

Comme d’habitude, Disney me surprend en dépeignant avec grande qualité les attitudes humaines, psychologiques et sociologiques de notre société.

Cet fois-ci c’est dans son film d’animation « Encanto » – qui je vous rappelle nous interdit de parler de Bruno (alors je n’en parlerais pas) – que Disney met en avant le paraître, les apparences que nous nous forçons d’entretenir afin de se sentir exister auprès des autres.

L’entretien de ses apparences met en avant le poids lourd que nous nous infligeons à porter sur nos épaules, en tant qu’humain.

Voyons tout ça de plus près…

Je n'ai pas peur, je suis solide 

Et comme la roche, je suis une dure à cuire 

Toutes les montagnes, tous les empires 

Je les soulève avec un grand sourire 

Toutes les missions les plus pénibles 

Sont pour moi car je suis indestructible 

Les métaux précieux cassent en deux comme je veux 

Je suis un bulldozer, une vraie machine de guerre

Ici, nous voyons cet capacité que peut avoir l’humain à ne pas s’autoriser d’avoir peur et de ressentir pleinement sa vulnérabilité.

Nous sommes clairement dans l’injonction de se sentir fort en toute circonstance et d’en faire un devoir.

Ne pas sourciller et toujours sourire malgré les ressentis intérieurs qui parfois nous tiraillent.

Nous désigner responsables à résoudre des problèmes difficiles quitte à aller jusqu’à l’épuisement.

Mettre la barre trop haute et se sur-valoriser comme remède pour cacher un véritable manque de confiance en soi.

Mais tout cela à quel prix ?

Mais… 

Sous les apparences 

Je suis nerveuse comme un équilibriste qui n'a qu'une seule chance 

Sous les apparences

Le grand Hercule avait peur face à Cerbère et sa violence 

Sous les apparences 

Sans force, je n'ai plus confiance car c'est ma seule compétence 

Le sol craque, la maison en vrac 

Je sens que tout dérape, je sens que tout m'échappe

Quand la pression des apparences frappe

Malgré ce que nous nous attachons de montrer aux autres, les ressentis intérieurs se manifestent de plus en plus fort et nous font prendre conscience de notre vulnérabilité et de nos peurs.

Nous nous disons alors que sans notre carapace, sans ce paraître, notre manque de confiance peut éclater à la lumière du jour.

Alors, nous avons peur des conséquences et nous remettons totalement notre identité en question.

Ici, les propos sont poussés à l’extrême avec la phrase :

« Sans force, je n’ai plus confiance car c’est ma seule compétence »

C’est comme-ci seules nos compétences ont le pouvoir de nous définir et de dicter qui nous sommes.

Or, le sol craque et tout nous échappe sous l’impact entre ce que nous tentons de montrer et qui nous sommes réellement intérieurement : un être vulnérable avec un grand besoin d’amour comme tout le monde.

Nous sentons la tension, la pression qui oppose ce que nous ressentons à ce que nous nous efforçons à ne pas montrer afin d’entretenir l’image que nous souhaitions que les autres aient de nous.

Pour paraitre bien aux yeux des autres et se sentir exister auprès d’eux…

La pression qui fait clic, clic, clic quand les gouttes tombent, oh oh 

Pression qui fait bip, bip, bip comme le bruit d'une bombe, oh oh oh oh 

Laisse ta grande sœur porter le poids de ton cœur 

C'est mon rôle, je veux en être à la hauteur 

Qui serais-je si je perds mon écorce ?

[…]

C'est quand j'aide les autres que je suis meilleure 

Qui serais-je si je n'ai plus de force ? 

Ça me fait peur.

Alors nous voulons à tout prix nous sentir à la hauteur.

Nous nous portons responsable et dans l’obligation d’accomplir un rôle que nous nous donnons à nous-même. Nous voulons être vu comme indispensable.

Le triangle de Karpman

À défaut de nous sauver nous-même, nous prenons pour le rôle du sauveur du triangle dramatique de Karpman.

Quelques explications à ce sujet :

Dans le triangle de Karpman, l’intérêt du rôle de sauveur, c’est que c’est un rôle gratifiant. Il permet d’avoir une bonne image de soi-même. Et une bonne image auprès des autres.

Le sauveur n’a pas intérêt à ce que la situation prenne fin et s’arrange… Car une fois la situation de persécution résolue, le sauveur n’a plus de raison d’exister… et la personne qui jouait ce rôle perd alors tous les avantages qu’elle tirait d’une telle situation.

De ce fait, le sauveur est une personne qui semble faire de gros efforts pour aider la victime à résoudre le problème. Mais en réalité le sauveur ne tient pas à réussir, ce qui lui permet de continuer à être le sauveur.

Nous retrouvons bien l’expression de ce rôle dans ces paroles.

Dans le rôle de sauveur, nous tachons de nous oublier en se préoccupant uniquement des autres.

Puis à ne pas savoir qui nous sommes sans ce rôle avec la peur de perdre notre écorce, notre identité…

Supporter une pression immense que l’on alimente soi-même.

Porter une charge lourde, trop lourde car l’on s’est convaincu que c’est comme ça que l’on doit être et se montrer.

Ne pas pleurer, être fort.

Construire son identité là-dessus et s’en persuader.

Le driver « sois fort »

À ce propos, je peux vous parler des drivers : ces croyances profondément ancrées que nous avons sur la manière dont nous devons nous comporter auprès de nous-mêmes et des autres.

Il existe les drivers « fais plaisir », « sois parfait », « fais des efforts », « dépêche-toi »…

Cependant, je vais vous parler du driver prédominant ici, le driver « sois fort ».

Le sois fort s’est construit sur des phrases du type :  « il faut être courageux », « il ne faut pas pleurer », « tout ce qui ne nous tue pas, nous rend plus fort », « les émotions n’ont pas leur place » …

Le sois fort a ainsi intégré dans ses croyances, qu’on doit toujours être fort, et que, même si ce n’est pas le cas, il faut faire comme si.

La confiance et le respect des autres ne peuvent s’acquérir que si l’on sait faire preuve constamment de cette force personnelle.

A ses yeux, le monde est ainsi divisé en deux catégories : les forts et les faibles et il est bien évidement hors de question de faire partie de cette deuxième catégorie.

Le « sois fort » ne montre pas ses émotions

En conséquence, le sois fort ne montre pas ses émotions et essayera toujours de se débrouiller seul.

Il nourri alors une relation très forte au verbe « pouvoir » : « quand on veut, on PEUT », « je PEUX me montrer infaillible », « je dois avoir du POUVOIR sur l’autre, sinon c’est l’autre qui aura du POUVOIR sur moi ».

Enfermé dans cette croyance, le sois fort se coupe totalement de ses émotions et de son être profond.

Cacher ses vulnérabilités est une obsession pour lui et cela peut l’amener à adopter des comportements qu’il regrette par la suite.

Tout driver poussait à l’extrême cache donc un profond mal-être.

Nous aurions pu aussi parler du driver « fais plaisir » aussi présent dans cette chanson, mais je vous en parlerai certainement dans un prochain article.

Une invitation au lâcher prise

Sous les apparences 

J'ai mes angoisses qui arrivent à chaque fois que le problème commence 

Sous les apparences 

Plus l' bateau avance et plus l'iceberg nous paraît immense

Sous les apparences 

Avoir de telles exigences, en aurais-je encore la chance ? 

Un domino s'écroule quand le vent souffle 

On essaye de le retenir mais ils s'effondrent tous

Essayer de tenir alors que notre force intérieure nous invite de manière de plus en plus conséquente à lâcher prise.

Sentir l’angoisse prendre une mesure qui nous force à lâcher prise.

Cet Iceberg qui ne cesse de s’approcher de la barque du paraître que nous avons nous-même construite.

Rester fort en ignorant le poids pesant de toutes ces attentes 

Ferais-je une place à la joie ou à la détente ? 

Oui si nous vivions sans faire attention à l'énorme pression 

Qui grandit, qui détruit, qui nous envahit

Y’a-t-il une place au respect de soi ? Peut-on prendre soin de soi dans de telles circonstances ?

Dans cette apologie de la performance quand est-il du respect et du prendre soin de soi ?

Laisse ta grande sœur porter le poids de l'honneur 

Pour la famille, je peux encaisser la douleur 

Je peux très bien tenir sans m'écrouler, sans plier

Il est intéressant de voir comment la chanson met en avant la lutte présente entre :

  • les prises de conscience que nous avons vis-à-vis des apparences que nous entretenons

et

  • le fait de buter et de continuer malgré tout à entretenir ces apparences.

Malgré la prise de conscience de nos ressentis nous revenons au paraître et nous tâchons de nous persuader que l’on peut encaisser, que nous pouvons passer notre vie à encaisser…

Encore une fois, à quel prix ?

Laisse ta grande sœur gérer sans te demander 

Si cette même pression aurait pu t'écraser 

Mais moi j'ai envie de te demander ce que ça fait d'exister sans pression ?

Une vie sans apparences

La chanson se termine avec l’interrogation profonde de savoir ce que ça fait de vivre sans apparences, sans drivers ni rôles, dans le respect de soi et des autres…

Seriez-vous répondre à cette question ou du moins tenterez-vous d’e le faire d’y répondre au mieux dans votre propre vie ?

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